
Ces derniers temps, on a beaucoup entendu parler de harcèlement sexuel dans les médias.
Et les dénonciations de cas de harcèlement au travail ou dans les espaces publics se sont multipliées, notamment suite aux mouvements sur le web #balancetonporc et #meetoo.
Ce contexte particulier a mis en lumière la nécessité pour les politiques de légiférer clairement sur le sujet.
Retrouvez en cliquant ci-dessous :
Contexte de cette enquête sur le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles
Dans notre récent article consacré au harcèlement de rue, nous vous expliquions justement la difficulté de légiférer sur ce type de violences, tant la notion est difficile à identifier et à définir, de la part des victimes d’une part, mais également de la part des garants de notre sécurité.
Or, justement, aujourd’hui au conseil des ministres est présenté un projet de loi très attendu (étant donné le contexte…) contre les violences sexistes et sexuelles.
Il a été élaboré pour redéfinir les grandes lignes des types de violences et cas d’harcèlement rencontrés par les femmes et mettre en œuvre des sanctions efficaces.

Une loi censée donner la parole aux femmes
Car jusqu’alors, il était presque impossible de porter plainte contre le harcèlement de rue à proprement parler.
Beaucoup de victimes restaient alors dans le silence, découragées par la difficulté des recours, au détriment de leur santé mentale, leur intégrité physique et leurs performances professionnelles (peurs de représailles lorsque le harcèlement sexuel a lieu au bureau par exemple).
Ainsi, nous savons (grâce notamment aux témoignages reçus suite à nos articles sur le sujet) à quel point ces cas de violences sexistes et sexuelles peuvent nuire gravement à la santé mentale des victimes et donc à leur bien-être et état général.

C’est pour cela que nous avions décidé de publier plus tôt dans l’année, notre étude intitulée « Les françaises et le harcèlement sexuel au travail » en partenariat avec le département « Genre, sexualité et santé sexuelle » de l’IFOP.
Nouvelle loi… et nouvelle enquête pour connaitre votre avis
Ce nouveau projet de loi présenté en ce 21 mars 2018, parce qu’il intervient dans un contexte de dénonciations massives et de mouvements de sensibilisation sur les réseaux sociaux, est très attendu par les français.
Et chez VieHealthy, c’est aussi avec impatience que nous l’attendions.
En assurant un cadre et en définissant clairement ces délits, cela permettra aux femmes victimes de s’exprimer, d’avoir plus facilement recours à la justice et donc ne plus se terrer dans le silence.
Selon nous, cette législation est nécessaire pour que les victimes de telles violences se sentent écoutées, soutenues et qu’elles puissent prendre en main ces situations délicates et se sentir ainsi mieux dans leur tête et dans leur corps.
C’est dans ce cadre que nous avons décidé de mener une nouvelle étude, en partenariat avec l’IFOP, au sujet de ce projet de loi visant à limiter les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes.
Parce que votre avis nous intéresse, nous avons décidé de centrer cette étude sur l’avis des Français et leurs réactions face aux mesures de ce projet de loi.
Cette enquête « L’adhésion des Français aux mesures du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles » a été menée en ligne auprès d’un échantillon de 1014 personnes âgés de 18 ans et plus, représentant la population française (quotas de sexe, âges, régions, profession…).
Les questions ont été posées dans le but de mesurer leur adhésion aux mesures annoncées par ce projet de loi : Répond-il aux attentes et est-il adapté aux situations dont font face encore de trop nombreuses personnes, en particulier les femmes ?
En détails : ce qui est attendu dans le projet de loi et les réactions des personnes interrogées via notre enquête
Nous allons maintenant analyser les 4 axes principaux de ce projet de loi, tout en regardant de plus près les réponses des personnes interrogées par l’IFOP.
1 – Le consentement sexuel des mineurs fixé à 15 ans
La notion de consentement est au cœur de la définition des agressions sexuelles, et donc du harcèlement sexuel.
Pour le distinguer d’un « simple » rapport de séduction ou de drague, il est nécessaire que ce dernier implique la participation des deux personnes consentantes.
Ceci est également valable pour toutes autres formes de violences ou agressions sexuelles (dans le cas d’un viol par exemple).
A ce propos, le projet de loi entend fixer à 15 ans l’âge minimum du consentement sexuel.
En dessous de cet âge, le mineur ne pourra pas être considéré comme consentant et un rapport sexuel entre une personne majeure et une personne mineure constituera aux yeux de la loi une agression sexuelle ou un viol s’il y a pénétration.
Cet âge a été fixé en suivant l’avis d’un groupe de juristes, de professionnels de l’enfance et de médecins, consultés notamment suite à l’éclatement d’affaires concernant des relations sexuelles entre des hommes majeurs et des jeunes filles de 11 ans.
Cette mesure du projet de loi a déjà entraîné de nombreuses retenues, de la part des magistrats notamment.
Selon eux, l’idée de fixer à 15 ans l’âge du consentement sexuel présenterait par exemple le risque de « condamnations automatiques » en présumant que la personne est forcément coupable alors que la relation est potentiellement consentie par les deux personnes, et que la victime ne se considère pas forcément en être une.
Or, la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa précise que les magistrats auront un « pouvoir d’appréciation » pour juger l’acte : « S’ils constatent l’existence d’une histoire d’amour entre deux personnes de 14 et 18 ans, ils pourront abandonner les poursuites » assurait-elle dans un article paru dans le Monde.
Qu’en est-il de l’avis des Français sur la question ?
Cette retenue semble être partagée par la majorité des Français car la réponse à la question de notre étude : « Personnellement, êtes-vous favorable ou opposé à la fixation à 15 ans de l’âge minimum pour le consentement à un acte sexuel ? » révèle un consensus assez…. limité.
Seulement 69% des personnes interrogées par l’étude se disent être favorable
à la fixation du consentement sexuel à l’âge 15 ans.
Cette légère majorité peut s’expliquer par le fait qu’une relation sexuelle entre une personne majeure et une personne mineure ne relève pas dans tous les cas d’une agression sexuelle ou d’un viol.
En revanche cela implique de s’intéresser au cadre plus large des relations sentimentales ou sexuelles entre une personne mineure et une personne majeure.

2 – Définition du délit d’« outrage sexiste » et sanctions pour le harcèlement et violences subis par les femmes dans l’espace public
Suite aux préconisations du rapport parlementaire sur les violences sexuelles et sexistes rendu à Marlène Schiappa – Secrétaire d’Etat chargée de l’égalité Femmes-Hommes – le mois dernier, et afin de définir clairement le délit et éviter les confusions, un nouveau terme juridique a été inventé : « l’outrage sexiste ».
Cette notion « d’outrage sexiste » représentera un délit passible d’une amende forfaitaire de 90 à 750 euros, pour sanctionner les gestes déplacés, remarques obscènes, sifflements ou insultes sexistes à l’encontre d’une personne dans la rue.
Ces actes, bien que difficiles à identifier en flagrant délit, pourront donc être freinés par la valeur symbolique de la sanction.
En prévention d’une récidive, la Secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité Femmes-Hommes évoque également la possibilité de mettre en place un stage de sensibilisation à la charge de l’auteur de harcèlement sexuel.
Le Haut Conseil à l’Egalité femmes-hommes, pour sa part, souhaiterait davantage de sanctions judiciaires.
Il préconise d’élargir ce qui relève de « l’agissement sexiste » à tous les espaces publics et que l’amende en vigueur aille jusqu’à 1500 euros (amende de 5e classe) et 3000 euros en cas de récidive, en plus d’un stage de responsabilisation.
Qu’en est-il de l’avis des Français sur la question ?
Au vu des résultats de notre étude, en réponse à la question : « Personnellement, êtes-vous favorable ou opposé à la pénalisation des faits de harcèlement dans la rue subi par les femmes dans l’espace public ? », on constate qu’une grande majorité des personnes interrogées se prononce favorable à ces sanctions.
90% des Français sont favorables à la pénalisation des faits de harcèlement de rue
qui doivent se traduire selon les préconisations d’un récent rapport parlementaire par le paiement d’une amende pour « outrage sexiste ».
On remarque également que la différence de réactions entre les hommes et les femmes est relativement importante, à savoir de 7% puisque 93 % des femmes interrogées se disent favorables à la mesure contre 86% des hommes.
De même, lorsqu’on s’intéresse au nombre de personnes opposées à une telle mesure (10 %), on remarque que 14% des hommes se sont prononcés opposé, contre seulement la moitié des femmes (7%).
Cette différence peut s’expliquer par cette fameuse difficulté à distinguer ce qui relève de la drague, d’une blague lourde d’un acte de harcèlement sexuel, qui représente un délit. En effet, un bon nombre de personnes ne se rend pas bien compte de la frontière entre les deux notions.
Un autre chiffre marquant de cette réponse est que 25% des personnes défavorables à cette mesure sont des hommes dirigeants d’entreprise.

3 – Allongement de délai de prescription des crimes sexuels
Limiter à 30 ans au lieu de 20 ans après la majorité de la victime le délai de prescription des crimes sexuels à l’encontre des mineurs figurera également dans le projet de loi.
Cette mesure a été influencée par une mission co-présidée par un magistrat et l’animatrice Flavie Flament, qui a annoncée avoir été violée par le photographe David Hamilton lorsqu’elle était adolescente.
Qu’en est-il de l’avis des Français sur la question ?
Concernant cette mesure, une grande majorité des français semblent être d’accord.
Qu’en est-il de l’avis des Français sur la question ?
92% des personnes interrogées dans le cadre de notre étude ont répondu positivement
à la question « Personnellement, êtes-vous favorable ou opposé à la fixation à 15 ans de l’âge minimum pour le consentement à un acte sexuel ? »
Ce chiffre représente une grande majorité des réactions mais on remarque une légère différente selon le sexe de la personne puisque 94% des femmes se disent favorables à la mesure contre 90% des hommes.
Ce sont les femmes de 35 ans et plus qui représentent la plus grande partie des personnes en faveur de cet allongement du délai de prescription. Elles sont 96% à se prononcer favorables.

4 – Condamnations renforcées dans le cas de cyber harcèlement
Ce dernier point présente un sujet encore peu traité et assez « inattendu » dans ce nouveau projet de loi.
Le cyber-harcèlement est défini comme une forme de harcèlement conduit par divers canaux numériques : importuner, menacer, insulter les victimes sur internet, par téléphone, sur les réseaux sociaux…
Ce projet de loi vient d’un constat simple : le cyber harcèlement est de plus en plus fréquent et les femmes en sont davantage victimes.
Ainsi, les sanctions pourraient tomber au moindre acte de participation à ce qui est appelé un « phénomène de meute » : lorsque plusieurs personnes harcèlent ensemble une victime.
Conclusion : que pensent les français de ce projet de loi ?
Il y a des critiques et retenues émises par certains syndicats de magistrats (par exemple au sujet de l’âge minimum pour le consentement sexuel comme nous l’expliquions plus haut) et par certains intellectuels signataires d’une pétition publiée le 26 septembre 2017 dans Libération (« Contre la pénalisation du harcèlement de rue »),

Malgré cela, les résultats de notre enquête menée en partenariat avec l’IFOP semblent démontrer que le contenu du nouveau projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles est bien accueilli par l’opinion, et cela est vrai pour tout sexe, âge, profession confondus.
Il reste beaucoup à faire pour changer les comportements inadéquats et mettre définitivement fin aux actes de violences sexuelles et sexistes.
Néanmoins, nous pensons que le fait que l’opinion publique exprime son sentiment de colère et d’insécurité et que les décideurs politiques s’engagent à prendre des mesures sur le sujet représente un premier pas pour que les victimes trouvent le soutien adéquat à leur situation.
C’est également un premier pas vers plus de prévention, de sensibilisation et vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes.
N’hésitez pas à nous contacter pour faire part de vos commentaires, avis et témoignages sur le sujet !